Allaitement et place du père : pourquoi ce n’est pas leur faute (et pourquoi ça doit changer)

Hier, j’ai animé un atelier sur la place du père dans l’allaitement maternel. Parmi la vingtaine de participant.e.s, trois pères étaient présents. Et j’ai vu leurs visages changer au moment où je leur ai dit : « Ce n’est pas de votre faute. »

Je venais de leur raconter deux histoires très classiques. Deux projets d’allaitement qui avaient tout pour fonctionner : une vraie envie, une bonne information, un bébé en bonne santé, un démarrage encourageant. Et pourtant, ces allaitements se sont arrêtés prématurément. Pas par manque d’amour ni de volonté, mais parce que les pères n’avaient pas été préparés. Ils ne connaissaient pas les mécanismes du lien d’attachement, ni les besoins émotionnels d’une mère en post-partum. Ils voulaient bien faire, mais ne savaient pas comment. Alors, comme beaucoup, ils ont endossé la posture du “sauveur” : celui qui cherche à réparer, à apaiser, à trouver une solution rapide.

Comme souvent, la salle était prête à les juger : « Ils n’ont pas voulu se préparer », « ils n’ont pas pris la mesure du défi ». Et c’est là que je leur ai dit : « Ne cherchez pas de coupable dans ces histoires. Ce n’est pas la faute des pères. » Un silence s’est installé. J’ai senti de la surprise, un peu de soulagement aussi. Parce que ce qui me semble évident ne l’est pas pour la majorité des couples, ni même pour de nombreux professionnel·le·s de la périnatalité.

Le vrai problème

Combien de pères décident consciemment de ne pas se préparer à devenir père ? Consciemment, c'est-à-dire :

→ J'ai compris que c'était un défi majeur

→ On m'a fourni des outils adaptés

→ J'ai choisi de les refuser

Aucun. Le vrai problème, c’est qu’on ne leur donne pas les moyens. On leur parle rarement de lien d’attachement, de régulation émotionnelle, d’allaitement ou de charge mentale. Historiquement, ce n’était pas leur rôle. Pendant des millénaires, la grossesse, l’enfantement et le post-partum se vivaient entre femmes. Les mères étaient entourées d’un village de soutien féminin. Les pères n’étaient pas exclus : ils n’étaient tout simplement pas concernés directement.

Mais en quelques décennies, tout a changé. Les couples sont plus isolés, les familles éclatées géographiquement, les rôles parentaux ont évolué. Aujourd’hui, on attend des pères qu’ils soient présents, soutenants, conscients. Mais sans leur transmettre les repères ni les outils nécessaires pour le devenir.

Ce n’est pas leur faute, mais c’est notre responsabilité collective

Quand je dis à des pères (et à des mères) qu’il est normal d’être perdus, je vois leurs épaules se relâcher. Ce n’est pas une faiblesse, ni un manque de volonté. C’est simplement le signe d’un système qui ne s’est pas encore mis à jour. Cette prise de conscience change tout : à partir du moment où l’on comprend que ce n’est pas une question de faute, on peut agir autrement.

Et ce sujet dépasse largement la place du père dans l’allaitement. Il touche à l’équilibre du couple, à la santé mentale des mères, au lien d’attachement du bébé, au risque de dépression post-partum, et même à la stabilité familiale à long terme. Le père n’est pas un figurant dans cette histoire : il est une pièce centrale du puzzle.

Ce que nous pouvons faire

Le monde a changé, nos modèles familiaux aussi. Il est temps que nos accompagnements évoluent à leur tour. Préparer les pères, c’est préparer les couples. C’est offrir à la mère un soutien émotionnel plus solide et au bébé un environnement plus sécure.

Je suis Susana, doula engagée pour un accompagnement plus juste des futurs pères et des couples. J’ai créé Gardiens de la Naissance, une série audio pensée pour aider les futurs papas à comprendre les grandes étapes de la grossesse, de l’enfantement et du post-partum — et à trouver leur juste place auprès de leur compagne.

Et toi, as-tu déjà observé cette difficulté à trouver la juste place du père autour de l’allaitement ?

Que tu sois professionnel.le, maman ou papa, ton regard m’intéresse.

Parce que c’est ensemble, en partageant nos expériences et nos besoins, qu’on pourra mieux soutenir les pères d’aujourd’hui — et donc, les mères et les bébés de demain.