La date du terme approche... ou peut-être même qu'elle est déjà passée. Et voilà qu'on vous parle de déclenchement. Faut-il dire oui tout de suite ? Attendre ? Insister ? Dans cet article, découvre ce que signifie vraiment "dépasser le terme", ce qu'implique un déclenchement médical, et surtout comment tu peux accompagner ta compagne pour qu'elle se sente respectée, soutenue et libre de ses choix.
Quand on parle du "terme", on a tendance à penser à une date fixe, gravée dans le marbre. En réalité, c'est juste une estimation. Elle est calculée à partir du premier jour des dernières règles de ta compagne - pas de la conception réelle. Cela signifie qu'il y a une marge d'erreur de plusieurs jours, voire plus, surtout si ses cycles sont longs ou irréguliers.
En France, le terme est fixé à 41 semaines d'aménorrhée (soit 41 semaines depuis le premier jour des dernières règles). Mais dans d'autres pays, on considère qu'un bébé peut naître spontanément jusqu'à 42 semaines sans souci.
Prenons un exemple concret : une femme enceinte suivie simultanément en France et en Italie s'est vu attribuer deux dates de terme avec plus d'une semaine d'écart pour la même grossesse. Énorme, non ? Cela montre bien que ces dates ne sont pas des certitudes absolues.
Déclencher un accouchement, c'est provoquer artificiellement le début du travail. Il existe plusieurs méthodes :
Gel ou tampon hormonal (prostaglandines)
Rupture de la poche des eaux
Perfusion d'ocytocine de synthèse
Décollement des membranes
Chaque intervention comporte des risques et peut enclencher ce qu'on appelle une "cascade d'interventions médicales" qui n'auraient peut-être pas été nécessaires si le travail s'était lancé naturellement.
Un déclenchement peut :
Rendre l'enfantement plus long et plus intense
Être plus difficile à gérer physiquement et émotionnellement
Créer un sentiment de perte de contrôle chez certaines femmes
Donner l'impression que "mon corps n'a pas su faire tout seul"
Mais attention : ce sentiment est faux. Souvent, c'est juste qu'on n'a pas eu le temps... ni l'espace... ni le soutien pour attendre.

Tu entendras peut-être qu'il y a plus de risques pour le bébé après 41 semaines. C'est vrai que les statistiques montrent une légère augmentation du risque passé ce cap... mais le risque reste très faible. Et on oublie souvent de dire que le déclenchement lui-même en comporte aussi. Je t'invite à lire cet article qui aborde plus en détail les risques d'un dépassement de terme et d'un déclenchement.
C'est un peu controversé de le dire, mais c'est plus simple pour une maternité d'organiser les plannings quand elle maîtrise les dates. Cette raison organisationnelle ne devrait jamais être la motivation pour un déclenchement.
Par exemple : obstétricien.ne qui part en congés, moins d'effectifs disponibles pendant la période de Noël / réveillon...
L'Organisation mondiale de la santé ne recommande pas d'intervenir automatiquement après 41 semaines. Elle conseille plutôt une surveillance attentive. Si tout va bien - liquide amniotique OK, bébé qui bouge bien, rythme cardiaque normal - il n'y a pas d'urgence.
Les recherches scientifiques les plus récentes montrent des résultats nuancés. Une méta-analyse Cochrane de 2020 comparant le déclenchement à 41 semaines versus l'attente jusqu'à 42 semaines montre une légère diminution du risque de mortalité périnatale avec le déclenchement, mais souligne également une augmentation des interventions et des risques associés. Le nombre de déclenchements nécessaires pour éviter un décès périnatal est de 544, ce qui signifie que pour la grande majorité des grossesses, l'attente sous surveillance reste sûre.
C'est là que tu as un rôle vraiment important à jouer. L'approche du terme, c'est souvent un moment où la pression monte. On a l'impression qu'il faudrait "faire quelque chose", que ça devrait déjà être lancé, qu'on attend un signal... et parfois, on panique un peu.
Toi, tu peux justement être celui qui garde la tête froide.
Celui qui dit : "Ce bébé viendra quand il sera prêt."
Celui qui pose les bonnes questions à l'équipe médicale. Celui qui protège l'espace autour de ta compagne pour qu'elle reste dans sa bulle, sereine et en confiance.
Voici une histoire vécue : pour un premier bébé, le travail a commencé dans la nuit, juste avant le rendez-vous du terme à la maternité. Le couple a appelé pour prévenir qu'ils n'iraient pas à ce rendez-vous. Surtout, ils n'ont pas cédé à la pression pour venir juste pour "vérifier".
Ils ont coupé leurs téléphones, la maman est restée dans sa bulle toute la journée, et ils ont laissé le travail bien s'installer avant d'être sûrs que c'était le bon moment pour partir à la maternité.
C'était une très bonne décision. Les messages de la maternité les auraient juste angoissés, et le travail qui venait tout juste de commencer aurait sûrement ralenti. Rappelle-toi : l'ocytocine, l'hormone essentielle au bon démarrage et avancement du travail, a horreur du stress et des angoisses. Elle a besoin de calme, sérénité, confiance.

Tu peux suggérer d'espacer les rendez-vous de fin de grossesse plutôt que de multiplier les passages à la maternité qui peuvent créer de l'anxiété.
Si tout va bien, pourquoi ne pas demander une simple surveillance plutôt qu'un déclenchement immédiat ? Monitoring, échographie pour vérifier le liquide amniotique, mouvements du bébé... ces examens permettent de s'assurer que tout va bien sans précipiter les choses.
Tu te souviens de l'histoire de l'ocytocine ? Cette hormone qui lance et entretient le travail ? Elle a horreur du stress. Dès qu'il y en a, elle se cache. Et ça peut freiner complètement la naissance.
Alors oui, ton rôle, c'est aussi de protéger ta partenaire des :
Appels pressants de la famille
"Toujours pas ?"
"C'est pour quand ?"
"Tu vas te faire déclencher, non ?"
Toutes ces petites phrases peuvent suffire à faire monter la pression. Or, pour que l'ocytocine se libère, il faut un climat de calme, de confiance et de sécurité.
Tu peux être le gardien de ce cocon. Incite ta compagne à :
Se reconnecter à son corps
Communiquer avec son bébé
Faire confiance à sa puissance
Tu peux mettre de la joie, de la tendresse et de la détente dans son quotidien, même si le terme est dépassé
Si vous pouvez attendre que ce bébé choisisse son moment... c'est un immense cadeau.
Avant d'accepter ou de refuser un déclenchement, il est important de poser les bonnes questions :
Pourquoi exactement proposez-vous un déclenchement maintenant ?
Quels sont les examens qui montrent qu'il y a un problème ?
Si tout va bien (liquide amniotique, mouvements du bébé, monitoring), peut-on attendre encore quelques jours ?
Quelle surveillance proposez-vous si nous choisissons d'attendre ?
Pratiquez-vous des décollements de membranes ? Est-ce une option à considérer avant un déclenchement médical ?
Quelles sont les méthodes de déclenchement que vous utilisez ?
Quels sont les risques et bénéfices de chaque méthode ?
Jusqu'à quelle date êtes-vous d'accord pour attendre avec une surveillance ?
Tu trouveras ici la checklist complète des questions à poser à la sage-femme ou à la maternité.
N'hésite pas à demander du temps pour réfléchir, à solliciter un deuxième avis si nécessaire, toute intervention doit être précédée d'un consentement éclairé.
Avant d'envisager un déclenchement médical complet, il existe plusieurs moyens naturels ou moins invasifs à explorer :
La marche et le mouvement
Les rapports sexuels
Tout ce qui produit de la joie, du plaisir (séries d'humour, de bons petits plats...)
La stimulation des mamelons avec un tire-lait
L'acupuncture
Le décollement des membranes : une technique utilisée par les sage-femmes qui peut aider à déclencher le travail naturellement
Ces méthodes ne fonctionnent pas toujours, mais elles valent la peine d'être tentées si vous souhaitez éviter un déclenchement médical.
Le prochain épisode de Gardiens de la Naissance, abordera plus en détail toutes ces techniques et permettra d'en découvrir d'autres !

Le déclenchement est un outil médical, pas une fatalité. Ton rôle est précieux pour que ta compagne se sente :
Respectée dans ses choix
Soutenue dans ses doutes
Libre de décider en connaissance de cause
Tu peux être celui qui dit : "On attend un peu, si tout va bien."
Tu peux être celui qui filtre les ondes négatives, qui pose les bonnes questions, et qui crée l'espace de sécurité dont ta compagne a besoin pour que son corps puisse faire ce pour quoi il est fait : donner la vie, à son rythme.
Pour aller plus loin, tu peux consulter :
Article sur le déclenchement artificiel de l'accouchement (lien à venir)
📻 Cet article est basé sur le tout dernier épisode publié de la série audio "Les Gardiens de la Naissance", un podcast dédié aux futurs pères pour les accompagner vers une paternité consciente et engagée.
American College of Obstetricians and Gynecologists (ACOG)
Practice Bulletin No. 107: Induction of labor (2009)
Organisation mondiale de la santé (OMS)
WHO recommendations: Intrapartum care for a positive childbirth experience (2018)
Middleton P., Shepherd E., Morris J., Crowther C.A., Gomersall J.C.
Induction of labour at or beyond 37 weeks' gestation
Cochrane Database of Systematic Reviews (2020)
Alkmark M., Keulen J.K.J., Kortekaas J.C., et al.
Induction of labour at 41 weeks or expectant management until 42 weeks: a systematic review and an individual participant data meta-analysis of randomised trials
PLoS Medicine, (2020)
Finucane E.M., Murphy D.J., Biesty L.M., Gyte G.M., Cotter A.M., Ryan E.M., Boulvain M., Devane D.
Membrane sweeping for induction of labour
Cochrane Database of Systematic Reviews (2020)
Keulen J.K., Bruinsma A., Kortekaas J.C., et al.
Induction of labour at 41 weeks versus expectant management until 42 weeks (INDEX): multicentre, randomised non-inferiority trial
BMJ, (2019)
Photos : Franco / Unsplash, Jonathan Borba / Unsplash, Duda Oliveira / Pexels, Erychist / Pexels